Entraînement cardiovasculaire et bodybuilding
L'entraînement cardiovasculaire est souvent utilisé dans le vocabulaire des bodybuilders uniquement pour désigner le besoin de faire fondre la graisse ou le fait d'éviter d'en prendre. Beaucoup de ceux qui souhaitent accroître leur volume musculaire évitent les efforts cardiovasculaires d'intensité modérée de peur que cela ne compromette leur croissance musculaire. Par ailleurs, les bodybuilders perçoivent souvent les exercices cardiovasculaires comme une nécessité pour se débarrasser de la graisse et passent de longues heures à s'entraîner avec une faible intensité pour brûler les calories. Et si tout ce que vous croyez savoir sur l'entraînement cardiovasculaire était faux ?
La plupart aiment classer les exercices cardiovasculaires en fonction du sport permettant de les exécuter (ex : vélo, natation, course à pied, etc.) et/ou de l'objectif recherché (améliorer/conserver la forme cardiovasculaire, brûler des calories, etc.). Cette conviction est encouragée par la communauté des experts en exercices depuis des années. Mais bien sûr, la science progresse. Et souvent, des choses que nous tenions pour vraies se révèlent fausses. La Terre, contrairement à une croyance qui a longtemps perduré, n'est pas plate. À présent, si je vous disais que pour améliorer votre forme cardiovasculaire, vous pouvez soulever des poids, et que pour accroître votre masse musculaire, vous pouvez faire des exercices cardiovasculaires ? Eh bien, voici les faits qui étayent précisément cette hypothèse.
L'entraînement de résistance améliore la performance cardiovasculaire...
Dans un article récent, le Docteur James Steele et son équipe (1) ont examiné les études autour de l'entraînement de résistance et des exercices de fitness cardiovasculaires et en ont conclu que le fait de s'entraîner jusqu'à l'échec musculaire momentané facilitait les mêmes réactions physiologiques aiguës et les mêmes adaptations physiologiques que celles obtenues en suivant un entraînement cardiovasculaire. Les auteurs précisent que cela ne veut pas dire qu'une personne qui suit un entraînement de résistance peut optimiser sa forme cardiovasculaire pour la course à pied ou le vélo par exemple, en partie du fait d'une acquisition d'une aptitude propre à ces activités particulières. Plutôt, il semble que l'entraînement de résistance catalyse des adaptations physiologiques similaires.
Si cela semble représenter une remise en cause de la pensée actuelle, certains faits étayant cette hypothèse existent depuis un certain temps. Par exemple, les précédentes études indiquent qu'un entraînement se déroulant à un niveau d'intensité d'effort supérieur au seuil d'acide lactique améliore la forme cardiovasculaire dans une plus large mesure qu'un entraînement à une intensité plus faible (2, 3). L'entraînement de résistance est presque toujours exécuté à une intensité supérieure au seuil d'acide lactique, et en effet l'idée selon laquelle l'entraînement de résistance pourrait améliorer l'entraînement cardiovasculaire est de plus en plus répandue. Toutefois, on pourrait se poser la question de savoir si l'inverse est vrai : davantage d'entraînement cardiovasculaire peut-il produire des adaptations physiologiques comparables à celles induites par l'entraînement de résistance ?
L'entraînement cardiovasculaire accroît le volume musculaire...
L'intensité d'un effort augmente s'il existe un recrutement séquentiel des fibres musculaires, cela est désigné par le principe de taille. Les fibres musculaires les plus réduites sont les premières à être recrutées et les fibres plus importantes et plus puissantes, qui se fatiguent le plus rapidement et mettent le plus de temps à récupérer, sont recrutées en dernier (ex : 4, 5). Ainsi, il est souvent suggéré que l'entraînement de résistance devrait être suivi à une intensité d'effort maximale ; ex : échec musculaire momentané, pour stimuler autant de fibres musculaires que possible et ainsi catalyser la réaction la plus importante en force (6) et en volume musculaire (7).
Mais que se passerait-il si au lieu d'un entraînement de résistance, vous faisiez du vélo ? Une étude de Lundberg, et al. (8) a comparé des personnes qui ont entraîné une jambe avec des exercices de résistance seulement et l'autre jambe avec des exercices de résistance et de pédalage. [À noter que les auteurs ont fait référence à l'exercice de pédalage comme un exercice aérobique, où ce mot désigne un effort suffisamment faible pour que le corps puisse produire de l'énergie à travers le métabolisme aérobique] L'exercice de pédalage consistait à pédaler à 70% de la puissance maximale (70%Wmax) à une cadence de 60rpm pendant 40 minutes. Puis, l'intensité était augmentée par paliers d'environ 20W et les participants pédalaient jusqu'à atteindre l'échec musculaire. C'est cette augmentation de l'effort qui est importante pour l'hypothèse à l'étude. Le fait que les participants aient pédalé jusqu'à l'échec musculaire suggère que l'exercice avait cessé d'être aérobique. [Les auteurs ont peut-être fait référence à l'exercice de pédalage comme étant aérobique en raison de l'idée répandue selon laquelle un effort de pédalage prolongé est, pour la plupart, de nature aérobique]
Ce qui présente encore plus d'intérêt que l'analyse de la méthodologie est le fait que l'hypertrophie musculaire du quadriceps était plus importante chez le groupe qui a exécuté à la fois un entraînement de résistance et l'exercice de pédalage (14%) que pour celui qui n'a suivi qu'un entraînement de résistance (8%). Les auteurs indiquent que « Même si nous reconnaissons que ces résultats collectifs restent controversés, il se peut que les actions à faible intensité exécutées jusqu'à l'échec musculaire favorisent en fin de compte l'hypertrophie musculaire ». En fait, les études précédentes ont suggéré que les augmentations de l'hypertrophie musculaire étaient comparables indépendamment de l'utilisation de poids lourds ou léger lorsque l'exercice de résistance est effectué jusqu'à l'échec musculaire (4, 9, 10, 11). Ainsi, il ne semble pas si controversé que l'étude menée par Lundberg et al. ait fait état d'augmentations sensibles en termes de volume musculaire résultant de contractions répétées et de faible intensité jusqu'à l'échec musculaire. En fait, cette étude vient étayer celles menées précédemment.
Puisque l'entraînement cardiovasculaire à cette intensité semble bâtir le muscle et catalyser sans l'ombre d'un doute une réaction métabolique plus importante pendant et après l'entraînement, il est également logique que l'entraînement cardiovasculaire effectué à une intensité plus élevée aide à améliorer la constitution corporelle. Les longues heures passées sur le tapis roulant à faire fondre la graisse pourraient être reléguées aux oubliettes et bientôt remplacées par des séances brèves à haute intensité.
Très récemment, Knopka et Harber (12) ont publié un une étude examinant ce domaine et Fisher, et al. (13) ont présenté cette hypothèse plus en détail dans un article revu par des pairs et paru dans une revue scientifique. Il ne fait aucun doute que cela remet en cause la pensée dominante qui prévalait, mais en pratique, les bodybuilders ou tous ceux qui souhaitent accroître leur volume musculaire ne devraient pas éviter les exercices cardiovasculaires de peur de compromettre leurs gains potentiels en termes de volume musculaire. Ils devraient simplement effectuer ce type d'exercice à une intensité qui aille dans le sens de la croissance musculaire en s'entraînant à une intensité d'effort élevée.
Si vous souhaitez avoir plus de détails, les preuves empiriques sont omniprésentes dans les sports d'élite pratiqués jusqu'à l'échec musculaire ; il n'y a qu'à observer les quadriceps des cyclistes sur piste (ex : Robert Förstemann, Rene Enders, Maximillian Levy, Chris Hoy, etc.) ! Naturellement les données actuelles encouragent principalement des modes d'entraînement sans impact comme le cyclisme, mais des études à venir pourraient soutenir cette hypothèse avec des modes alternatifs d'entraînement cardiovasculaire.
Références
- Steele J, Fisher J, McGuff D, Bruce-Low S, Smith D. L'entraînement de résistance jusqu'à l'échec musculaire momentané améliore la forme cardiovasculaire chez l'être humain : revue des réactions physiologiques aiguës et des adaptations chroniques. J Exerc Phys, 2012; 15: 53-80
- Henritze J, Weltman A, Schurrer RL, Barlow K. Effets de l'entraînement au seuil d'acide lactique et au-delà sur ce seuil et sur l'absorption maximale d'oxygène. Eur J Appl Physiol, 1985; 54: 84-88
- Weltman A, Seip RL, Snead D, Weltman JY, Haskvitz EM, Evans WS, Veldhuis JD, Rogol AD. L'entraînement au seuil d'acide lactique chez des femmes n'ayant pas suivi d'entraînement au préalable. Int J Sports Med, 1992; 13: 257-263
- Carpinelli R. Le principe de la taille et l'analyse critique de la recommandation non fondée selon laquelle les poids lourds donnent de meilleurs résultats en entraînement de résistance. J Exerc Sci Fit, 2008; 6: 67-86
- Jungblut S. L'interprétation correcte du principe de la taille et son application pratique à l'entraînement de résistance. Med Sport, 2009; 13: 203-209
- Fisher J, Steele J, Bruce-Low S, Smith D. Recommandations fondées sur les faits en matière d'entraînement de résistance. Med Sport, 2011; 15: 147-162
- Fisher J, Steele J, Smith D. Recommandations fondées sur les faits en matière d'hypertrophie musculaire. Med Sport, 2013; 17: 217-235
- Lundberg TR, Fernandez-Gonzalo R, Gustafsson T, Tesch PA. L'entraînement aérobique ne compromet pas la réaction d'hypertrophie musculaire à l'entraînement de résistance effectué à court terme. J Appl Physiol, 2013; 114: 81-89
- Mitchell CJ, Churchward-Venne TA, West DW, Burd NA, Breen L, Baker SK, Phillips SM. Le poids utilisé au cours de l'entraînement de résistance n'a pas d'effet déterminant sur les gains en matière d'hypertrophie musculaire induits par l'effort chez les jeunes hommes. J Appl Physiol, 2012; 113: 71-77
- Ogasawara R, Loenneke JP, Thiebaud RS, et al. Les exercices de développé couché avec de faibles poids effectués jusqu'à épuisement entraînent une hypertrophie musculaire comparable à un entraînement en développé couché utilisant des poids lourds. Int J Clin Med, 2013; 4: 114-21.
- Van Roie E, Delecluse C, Coudyzer W, et al. L'entraînement de résistance effectué avec des poids lourds comparé à celui utilisant des poids légers chez les seniors : effets sur le volume musculaire, la force musculaire et les caractéristique de force-vitesse. Exp Gerontol, 2013; 48(11): 1351-1361
- Konopka AR, Harber MP. Hypertrophie des muscles squelettiques après un entraînement en aérobie. Exerc Sport Sci Rev 2014; 42: 53-61
- Fisher J, Steele J. Remise en question de la dichotomie résistance/aérobie : s'ils travaillent suffisamment dur, ce que les muscles ne connaissent pas ne les rendra que plus forts... plus volumineux... et dotés d'une plus grande capacité aérobique ! J Human Kinetic 2014; IN PRESS