
La vérité sur le Deep Squat
Peu d’exercices sont à la fois aussi vénérés et honnis que le squat à la barre. Et parmi les différents types de squat, aucun n’est sans doute aussi controversé que le deep squat – ou full squat si vous préférez.
Pour toute une génération de coachs, cet exercice a été le symbole du mal : une sorte de monstre qui vous détruisait le genou, vous déchirait les tendons, et vous cassait le dos – un exercice parfaitement inutile, de surcroît. Si vous faisiez un squat avec un angle de plus de 90 degrés entre les tibias et les cuisses, vous étiez dans l’hérésie.
Il y a des courants (clubs, publications, même des nations) pour lesquels les coachs qui osent transgresser ce saint principe sont considérés comme des pervers, même aujourd’hui.
Penchons-nous donc sur les arguments pour et contre le deep squat.
Origines de la diabolisation du deep squat
En 1961, le Dr Karl Klein de l’Université du Texas a publié une étude intitulée « Le deep squat tel qu’il est utilisé dans l’entraînement avec poids chez les athlètes et ses effets sur les ligaments du genou ».
Dans son étude où il a comparé des haltérophiles à un groupe témoin, le Dr Klein a soutenu que le deep squat entraînait un relâchement des ligaments du genou (en particulier les ligaments croisés antérieurs et collatéraux) d’après des mesures effectuées à l’aide d’un appareil conçu par lui-même.
Cette affirmation a soulevé beaucoup d’hypothèses mais n’a suscité que peu de recherches sérieuses. Et puisqu’aucune autre étude scientifique ne prouvait le contraire, l’American Medical Association (AMA) s’est prononcée contre le deep squat. Cette position explique le mépris de beaucoup de coachs de l’ancienne génération à l’égard du full squat.
Cependant, beaucoup d’athlètes et de coachs n’ont pas pris cette théorie superficielle pour argent comptant, et ce même dans les années 60. Ils ont estimé que le deep squat était la posture la plus naturelle qui soit chez l’être humain et qu’en tant que telle elle ne pouvait être dangereuse. Le fœtus humain est en position de deep squat dans le ventre de la mère. Dans les sociétés traditionnelles, les gens s’assoient d’ailleurs plus volontiers dans cette position. Beaucoup de gens s’accroupissent encore de la sorte dans beaucoup de régions d’Afrique et d’Asie.
Le deep squat est aussi la posture de la plupart des jeunes enfants lorsqu’ils jouent – une posture innée chez eux.
Angle de flexion du genou
Avant de rentrer dans les détails, il faut préciser la manière dont on mesure la flexion du genou. Les angles retenus ne sont en réalité pas ceux situés entre le haut et le bas de la jambe comme on pourrait le penser mais plutôt entre une jambe en position fléchie et en position droite.
Par exemple, une flexion de 30 degrés est très légère et ce n’est qu’à partir de 90 degrés que l’on parle de deep squat.
Ce qu’en dit la recherche
Plusieurs études ont succédé à celle de Klein dans les années 70 et les décennies suivantes (E. Meyers 1971, M. Steiner 1986, R. Panariello 1994) mais aucune n’a confirmé ses résultats (même si certains auteurs ont continué de prétendre que des squats en-deçà de 100 degrés pouvaient constituer un danger pour les ligaments du genou).
Les études ont découvert que la simple force du LCP (ligament croisé postérieur) est à son maximum à 90 degrés alors que celle du LCA (ligament croisé antérieur) atteint sa limite beaucoup plus tôt, entre 15 et 30 degrés de flexion.
Le LCP et le LCA sont les deux ligaments qui font le lien entre le haut et le bas de la jambe et les blessures du genou concernent généralement un de ces ligaments (souvent le LCA).
En réalité, le genou est soumis à la pression la plus importante DANS LA FOURCHETTE DU SQUAT LEGER et les forces du ligament décroissent rapidement au-delà d’une flexion de 90 degrés (L’équipe de M. Sakane, 1997; l’équipe de G. Li 1999 et 2004; l’équipe de A. Kanamori, 2000; l’équipe de K.L. Markolf, 1996).
De plus, aucune étude n’a prouvé que les personnes qui exécutent le deep squat se blessent véritablement au niveau du LCA et du LCP.
Ainsi, la seule cause de blessure possible en deep squat est un étirement excessif des ligaments. Cela ne pourrait être le cas que si la position de deep squat n’était pas naturelle, mais comme nous l’avons expliqué plus haut, il s’agit d’une des postures les plus spontanées du corps humain. Il existe quantités de mouvements et de postures que beaucoup d’athlètes tentent d’exécuter et qui ne sont pas naturelles, mais le deep squat n’en fait pas partie.
Il est très probable que l’étrange habitude occidentale que nous avons de nous asseoir sur des objets surélevés (aussi appelés chaises J) décourage les gens d’abaisser leurs hanches en-dessous du niveau de leurs genoux…
Mais revenons aux études scientifiques. L’étude menée en 2001 par l’équipe de R.F. Escamilla a établi que les haltérophiles (qui effectuent régulièrement des full squats avec des poids très lourds) avaient des ligaments du genou plus forts que le groupe témoin.
Une étude de 1991 menée par l’équipe de Chandler est arrivée à la même conclusion, tout comme l’équipe de Manariello en 1994.
Mobilité
Nous en arrivons donc à la question clé de la mobilité du genou (et la mobilité d’autres articulations, en particulier les hanches). La mobilité et la flexibilité du genou sont essentielles à la prévention des blessures, et si la mobilité de votre genou ne vous permet pas d’effectuer un squat en-dessous d’un certain niveau, vous risquez alors de vous blesser.
Dans ce cas, il convient de démarrer avec des exercices qui augmentent la flexibilité des articulations.
C’est aussi la raison pour laquelle la plupart des chercheurs préconisent un squat léger (jusqu’à 50 degrés de flexion) aux patients qui se remettent d’une blessure au genou.
Implications pour les fibres musculaires
La plupart des fibres musculaires de l’ischio-jambier et du quadriceps sont mises à contribution dans une flexion entre 80 et 90 degrés. Ainsi, des squats plus bas n’ont pas automatiquement des effets plus bénéfiques sur le développement des ischio-jambiers et des quadriceps.
En revanche, les fibres musculaires qui sont alors davantage sollicitées sont celles du grand fessier, comme l’a clairement montré une étude de 2002 menée par l’équipe de A. Caterisano.
Le grand fessier est, comme son nom l’indique, un grand muscle, mais il est souvent négligé notamment chez les bodybuilders hommes. Peu de gens se rendent compte qu’il s’agit aussi du muscle le plus puissant du gainage du corps et qu’il a donc un impact sur nos performances dans beaucoup d’exercices et d’activités.
Renforcement des ligaments
Plusieurs études ont confirmé que les haltérophiles avaient des ligaments plus forts. C’est d’ailleurs logique : si le deep squat affaiblissait les ligaments, les haltérophiles échoueraient dans leur discipline (ce qui n’est évidemment pas le cas).
De plus, il a été montré que le deep squat accroît la laxité du ligament (E. Meyers, 1971; R. Panariello, 1994; R.F. Escamilla, 2001; M. Steiner, 1986).
A noter que pour tout exercice impliquant le genou et qui est exécuté avec un poids supérieur ou égal à la résistance maximale pour une répétition, il est nécessaire d’utiliser des protections (bandes, manchons ou genouillères).
Blessures du ménisque
Le ménisque interne et externe est la partie du genou la plus susceptible d’être endommagée lors d’un deep squat.
L’étude de 1986 menée par l’équipe de Nissel a montré que les forces de compression qui touchent les ménisques et le cartilage articulaire atteignent leur maximum à un angle de flexion de 130 degrés.
Néanmoins, cela ne devient dangereux que pour les personnes dont les genoux sont blessés puisqu’aucune donnée n’indique que les problèmes aux ménisques puissent véritablement être causés par le squat, quelle qu’en soit la variante.
Ce qu’il faut retenir
Peut-on imaginer ne pas fléchir le bras au-delà de 90 degrés ? Le deep squat ne convient peut-être pas à votre type d’entraînement mais si vous n’avez pas de problèmes de blessures et que vous utilisez la bonne technique vous n’avez aucun souci à vous faire avec cet exercice.