
Périodisation, repos et récupération
Nous y sommes. C’est à nouveau l’été, et l’entraînement en salle passe au second plan puisqu’il s’agit à présent de faire admirer ce que vous vous êtes efforcé à bâtir tout au long de l’année : vos muscles. Profiter du soleil à la plage ou dans un parc est une tentation à laquelle il est difficile de résister. Peut-être irez-vous aussi rendre visite à vos proches à la faveur des vacances. Les distractions sont légion et il est facile d’oublier les bonnes habitudes d’entraînement patiemment établies au fil des ans. Dans quelle mesure devez-vous céder à ces distractions ? Peut-on lâcher un peu de lest sachant qu’une dose de repos et de récupération peut s’avérer particulièrement bénéfique ?
Je crois que la plupart d’entre nous accepteront ce que beaucoup d’auteurs avancent depuis des années, à savoir que nos muscles ne se développent pas au cours de l’entraînement. Ils sont stimulés à la croissance à travers l’entraînement, mais ils suivent un processus de récupération et sont sujets à des réactions de surcompensation (en devenant plus volumineux ou plus forts) au cours de la phase de repos. Mais la question que tout le monde se pose est de savoir combien de récupération est nécessaire pour induire ces réactions.
Beaucoup suivent un entraînement qui inclut plusieurs séances hebdomadaires d’entraînement en résistance. S’il est probable que les gains en puissance soient sensiblement les mêmes lorsque l’on sollicite chaque muscle ou groupe musculaire une ou deux fois par semaine par rapport à une fréquence d’entraînement plus importante. Il est également logique et probable que les différences génétiques entre individus font que certaines personnes réagissent de façon favorable à une fréquence d’entraînement plus soutenue. Plusieurs auteurs ont préconisé le recours à un journal de suivi afin d’évaluer l’évolution de la force musculaire et des gains en volume afin d’établir une fréquence d’entraînement et des séances optimisées et personnalisées (1), mais cela ne répond toujours pas à la question de savoir quelle durée peut être raisonnablement consacrée à la récupération.
Périodisation
Le concept de périodisation a été défini comme « la cyclisation de la spécificité, de l’intensité et du volume de l’entraînement afin de maximiser les niveaux de performance » (2). Le processus d’adaptation à nos exigences physiologiques m’a été expliqué de la meilleure façon lorsque j’étais plus jeune, c’est à dire d’un point de vue darwinien. Si notre milieu évolue ou nous pose des difficultés, alors nous devons nous adapter, et dans le cas qui nous intéresse, cette adaptation concerne la force, le volume et l’endurance musculaires, etc. En effet, certains auteurs ont suggéré que la mise en œuvre d’un entraînement structuré pouvait améliorer les résultats (3, 4). De plus, il est probable que cela s’accorde avec les objectifs spécifiques de chacun en termes de force et de volume musculaires et avec la variation des phases d’entraînement en se fondant sur des paramètres tels que le volume, la fréquence, l’intensité et le repos. Néanmoins, les données ne permettent pas de déterminer la méthode de périodisation la plus efficace (5) et des théories récentes préconisent ‘l’effort en résistance progressif et en autorégulation’. Cette méthode s’intéresse à l’état de préparation physique et physiologique optimale en vue de l’entraînement (6). Voilà un concept intéressant mais souvent oublié. Le stress physique entraîne des réactions hormonales qui ne s’accordent pas avec un effort et une croissance continus, d’où notre besoin de récupérer. Cependant, le stress psychologique peut souvent induire les mêmes réactions physiologiques et ainsi affecter le potentiel à l’entraînement. Que le corps récupère d’un entraînement épuisant ou d’un manque de sommeil, d’un stress lié à la famille ou à des problèmes financiers, ces épreuves ont probablement toutes un impact sur l’entraînement. Peut-être devrait-on opérer une périodisation davantage en accord avec la vie professionnelle/familiale, en prenant également en considération d’autres sources de stress. Après tout, il semble difficile d’aménager l’ensemble de ces éléments pour les adapter à l’entraînement.
Récupération, atrophie et hypertrophie
Dans cette optique, il apparaît logique de suivre des orientations sur l’état de préparation mentale et physiologique à l’entraînement. Le fait de prendre une pause sous la forme de vacances pourrait donc être une très bonne idée. D’un point de vue physique et mental, nous accordons à notre corps une récupération bien méritée, en diminuant les facteurs de stress. Mais qu’en est-il donc de l’atrophie musculaire (diminution de la taille des muscles squelettiques) ? Après tous les efforts fournis, il ne s’agit pas de perdre du muscle en s’éloignant de la salle d’entraînement.
Deux études récentes menées par le même groupe de recherche se sont penchées sur les effets d’un exercice en résistance continu et l’ont comparé au même effort mené de façon discontinue (7, 8). L’étude de 2011 entreprise par l’équipe d’Ogasawa (7) a comparé les résultats d’un groupe ayant été soumis à un entraînement continu sur une période de 15 semaines (CTR) à ceux d’un groupe qui a suivi un entraînement durant 6 semaines, s’est arrêté pendant 3 semaines et a repris l’entraînement pendant 6 autres semaines (RTR). Les deux groupes se sont entraîné en effectuant un développé couché avec poids libres, puis on a mesuré la région transversale du grand pectoral et le triceps à l’aide de l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) avant et après la période de 15 semaines. Des résultats intéressants ont été obtenus. Après 15 semaines, on n’a pas constaté de différences significatives en termes d’hypertrophie entre les deux groupes, qu’il s’agisse du grand pectoral ou du triceps. Pendant la période de 3 semaines sans entraînement, les résultats relatifs au groupe RTR n’ont pas montré d’atrophie significative pour le triceps et le grand pectoral. Enfin, le taux de croissance pour les deux zones musculaires sollicitées a baissé sensiblement entre les premières 6 semaines et les 6 dernières semaines pour le groupe CTR. Quant au groupe RTR, de telles évolutions n’ont pas été observées.
L’étude de 2013 menée par Ogaswara, et al. (8) a abouti à des résultats similaires pour des groupes s’étant entraînés de façon continue (CTR) et en recourant à la périodisation des exercices en résistance (PTR), sur une période de 24 semaines. Le groupe CTR s’est entraîné durant 24 semaines, tandis que l’autre groupe (PTR) s’est exercé lors des semaines 1 à 6, 10 à 15 et 19 à 24, en suivant des cycles de 6 semaines d’entraînement et 3 semaines de repos. Les résultats ont été semblables à ceux de la première étude : à la fin des 24 semaines, il n’y avait pas de différences significatives au niveau du triceps et de la partie transversale du grand pectoral. De plus, le taux de croissance avait diminué au sein du groupe CTR du premier cycle de 6 semaines au dernier, alors que de tels changements ne sont pas survenus au sein du groupe PTR.
Que faut-il donc en déduire ? Il semble que l’entraînement en continu ait un effet cumulatif sur le corps : lorsque vous débutez l’entraînement, vous réalisez les gains les plus importants en termes de force et de volume, mais il est probable que ces gains diminuent au fil de votre entraînement. Prendre une pause de 3 semaines loin de la salle de sport n’a semble-t-il pas d’effet négatif sur la taille des muscles, et améliore en fait votre taux de croissance musculaire lorsque vous reprenez l’entraînement. Pour résumer, vous pouvez prendre des vacances et profiter du soleil, vous éloigner de la barre et des haltères la conscience tranquille. De plus, vous pouvez le faire tout en sachant que lorsque vous reprendrez l’entraînement, il est probable que votre corps s’adaptera mieux à l’effort qu’il ne le faisait avant la pause.
Références
- FisherJ, Steele J, Bruce-Low S, Smith D. Evidence-BasedResistance training recommendations. (Recommandations d’entraînement en résistance fondées sur les faits) Med Sport 2011; 15(3): 147-162
- Graham J. Periodizationresearch and an Example Application. (Etude sur la périodisation et cas d’application) Strength Cond J 2002; 24(6): 62-70
- Kraemer WJ, Häkkinen K, Triplett-Mcbride NT, et al. Physiological changes withperiodizedresistance training in women tennis players. (Changements psychologiques dus à l’entraînement en résistance avec périodisation chez les joueuses de tennis) Med Sci Sports Exerc 2003; 35(1): 157-168
- Kraemer WJ, Ratamess N, Fry AC, et al. Influence of resistance training volume and periodization on physiological and performance adaptations in collegiatewomen tennis players. (Influence du volume d’entraînement en résistance et de la périodisation sur les adaptations de performance et de physiologie chez les joueuses de tennis universitaire) Am J Sports Med 2000; 28(5): 626-633
- Buford TW, Rossi SJ, Smith DB, et al. A comparison of periodizationmodelsduringnineweekswithequated volume and intensity for strength. (Comparaison de modèles de périodisation pendant 9 semaines avec volume et intensité égalisés en vue d’augmenter la force) J Strength Cond Res2007; 21: 1245-1250
- Mann JB, Thyfault JP, Ivey PA, et al. The effect of autoregulatory progressive resistanceexercise vs. linearperiodization on strengthimprovement in collegeathletes. (Effet des exercices en résistance progressive en autorégulation comparés à la périodisation linéaire sur l’accroissement de la force chez les athlètes universitaires) J Strength Cond Res2010; 24: 1718-1723
- Ogasawara R, Yasuda T, Sakamaki M, et al. Effects of periodic and continuedresistance training on muscle CSA and strength in previouslyuntrained men. (Effets de l’entraînement en résistance en périodisation et en continu sur la zone transversale du muscle chez des hommes non entraînés) Clin PhysiolFunct Imaging 2011; 31:399-404
- Ogasawara R, Yasuda T, Ishii N, et al. Comparison of muscle hypertrophyfollowing 6-month of continuous and periodicstrength training. (Comparaison de l’hypertrophie musculaire après 6 mois de musculation en continu et 6 mois en périodisation). Eur J ApplPhysiol 2013; 113:975-985
James Fisher